C’est du jamais vu, ou plutôt entendu, voir les deux ! Née de l’esprit fécond du compositeur Pierre-Luc Senécal, Growler Choir est une chorale constituée de 15 vocalistes de diverses formations death-metal du Québec, qui ont unis leurs cordes vocales pour enregistrer un concept a capella baptisé « The Dayking ». Ici pas de basses vrombissantes ni de blast-beats et encore moins de gros riffs de guitares, juste des voix ! A l’instar de Charlemagne et de son idée folle, nous nous sommes entretenu avec le créateur de ce projet inédit.
Vous trouverez en fin d’interview la vidéo de « The Dayking » filmée à Montréal en Mai 2019, dont il sera préférable avant visionnage de lire les propos du chef d’orchestre pour mieux cerner toute l’amplitude de l’oeuvre…
Salut Pierre-Luc ! Présente moi ton parcours musical…
Mon bagage musical vient, d’une part, de mes études poussées en musique (presque 8 ans), et d’autre part, d’un profond amour pour les musiques “pop”. Dans pop, j’inclus tout ce qui n’appartient pas au carcan de la musique dite “savante”. Alors d’un côté, t’as moi à 15 ans qui joue de la guitare, du Iron Maiden et découvre Cryptopsy, et de l’autre, t’as moi qui fais des études en électroacoustique et en musique contemporaine (ma maîtrise a porté sur les techniques de mixage en électroacoustique/acousmatique/électronique expérimentale). Et au bout, t’as moi qui sort de l’université et qui forme un chœur de growlers. « The Dayking » c’est l’aboutissement de tout ça.
D’où est née l’idée de Growel Choir, car réunir pour un seul et même morceau 18 chanteurs de métal du Québec c’est une grande première ?
C’est effectivement une première historique documentée. Dans le sens où, c’est possible que ç’ait été fait, mais personne n’a été en mesure de nous rapporter un tel événement. Un soir de l’été 2016, j’étais en route vers un spectacle du groupe Sunn o))), et l’idée m’a traversé l’esprit : une chorale de growlers ! En arrivant au spectacle, j’ai croisé des amis et je leur ai parlé de l’idée. On y a tous pensé, on a tous fait la blague qu’on allait le faire, on a tous eu la même idée folle, mais personne ne l’a fait. Former un chœur de growlers faisait partie de la “mythologie du métal” !
Quelques semaines plus tard, je voyais Fortner Anderson, le poète qui allait écrire “The Dayking”. Je voulais collaborer avec lui depuis 3 ans, et j’ai mentionné au passage l’idée du chœur comme avenue de collaboration potentielle, mais je ne pensais pas qu’il embarquerait. Moi-même, je ne savais pas trop quoi en penser. C’est Fortner qui a choisi pour moi, alors je n’avais plus le choix ! 6 mois plus tard, il m’envoyait le texte “The Dayking”, 1 an plus tard je rencontrais les growlers pour la première fois et encore 1 an plus tard, on commençait les répétitions avec 18 chanteurs. De juin 2016 à mai 2019, mois de la première en concert, ça représente 3 ans.
De quoi parle le texte de « The Dayking » ?
C’est une relecture moderne du mythe d’Aeschyle écrit par le tragédien Oreste. Fortner s’est inspiré de la formule du théâtre grec antique, avec un acteur de type “Thespis” (le 1er véritable acteur) qui se démarque/détache du chœur. Le chœur grec est en écho au soliste, un accompagnateur qui renforce le drame l’histoire. Ici, le “Dormeur” (incarné par Fortner lui-même dans le vidéo) raconte qu’il est une vigie et qu’il est responsable de la sûreté d’une Cité. Lorsqu’il aperçoit un imminent désastre (la Chute de Troie dans le mythe d’Oreste), le Dormeur est confronté à un dilemme : allumer le bûcher pour avertir les citoyens, ou les laisser périr. La Cité est tombée dans la décadence, alors qu’il est lui-même oublié du monde. Succombant à la déchéance physique, à la rancœur et à la soif d’une juste vengeance, il décide de laisser la Cité disparaître. Le paragraphe final est proprement apocalyptique : “Seas shall rise, Land devoured, Water turned sour, Withered fields, Dust and stones, Tongues dead and still”. Cette séquence, comme le gros du texte, est reprise en canon par le chœur.
Tu as entièrement composé la partition de « The Dayking » ?
Pour la partition, il s’agit d’un travail collaboratif. Essentiellement, on s’est rassemblé dans une salle, moi et les 18 growlers autour du texte de Fortner et on a essayé des idées pendant 3 mois. J’organisais les répétitions, dirigeais et arrangeais le matériau. On a avancé à jusqu’à obtenir une pièce de 20 minutes qui se tenait. J’ai donc composé la pièce, mais ce n’est pas un travail entièrement romantique/beethovenien disons. En ce sens, je suis beaucoup plus proche de la pop, car mon plaisir est de travailler avec les gens et la musique qui en résulte est toujours bien meilleure à mon avis.
Comment as tu « sélectionné » les différents chanteurs que l’on retrouve sur le titre ?
D’une manière très simple hahaha ! J’ai ouvert une conversation via Facebook, il y avait 2-3 personnes que je connaissais et qui faisaient du growl et j’ai dit : “Trouvez-moi des growlers.” En l’espace de quelques heures, il y en avait plus de 40 !!! J’ai formé un groupe Facebook et une vingtaine de personnes y ont migré. Ç’a oscillé entre 17 et 21 environ, puis on s’est arrêté à 18. Je voulais au-moins 16 growlers, car c’est le nombre usuel pour avoir un son de chœur classique. Après la première de « The Dayking », on a fait un processus de sélection en bonne et due forme. Le Chœur de Growlers a tenu une série de 3 auditions (vidéo démo, entrevue individuelle et répétition de groupe) devant jury, et sur environ 32 candidats, on a gardé 15 growlers. Et ils/elles sonnent le feu de Satan !
Il existe une vidéo du titre filmée à Montréal en mai 2019, feras tu un jour un spectacle complet et pourquoi pas un album avec Growler Choir ?
Oui on y travaille ! On a au moins un spectacle de prévu au Québec dans le courant de 2020, mais on ne peut pas en parler pour l’instant. On préparera un album dès janvier 2020, avec sortie espérée pour 2021. Il y aurait au-moins 2 autres pièces en plus de « The Dayking » et j’ai des idées pour au-moins 3-4 autres en plus, alors on verra !
Je suppose que cela devait représenter un sacré challenge que de mettre sur pied un projet comme Growler Choir, de faire quelque chose qui n’avait jamais été fait jusque là ?
Oui, la charge de travail a été colossale. Par ailleurs, on se le répète régulièrement, entre choristes : “C’est normal que ce soit pas évident, ça n’a jamais été fait.”
Quand bien même tu rassemblerais 15 growlers, qu’est-ce que tu leur donne à faire ? Il fallait s’asseoir et prendre le temps d’y réfléchir, de composer une pièce spécifiquement pour cet instrument, une pièce qui ne serait pas bancale, ou le pur produit d’un délire. Il fallait faire ça avec sérieux quoi ! Prouver que ça pouvait marcher !
Ça prend de la patience, des collaborateurs ouverts d’esprit, disponibles pour aider et de la poigne de ma part hahaha ! Je me laisse inspirer par l’instrument, par ce que je le connais et les idées musicales viennent par elles-mêmes. Après, il s’agit d’aller au bout de ces idées sinon, les possibilités sont infinies et on se perd. Je crois que c’est le bienfait d’avoir une seule personne qui dirige. Et si on veut explorer d’autres avenues musicales avec un chœur de growlers, il faut en créer d’autres !
Comment décrirais tu « The Dayking » a quelqu’un qui n’a pas encore écouté le morceau, qui ne connait pas encore Growler Choir ?
C’est la première pièce musicale de l’histoire composée pour un ensemble de 18 chanteurs death metal. D’habitude, la mention du chœur pique tout de suite la curiosité !
Tes projets musicaux pour 2020 ?
Vu que je suis compositeur pigiste, c’est hautement variable. Je fais de l’assistance à la production pour des musicien(ne)s indépendant(e)s, du mix, de la conception sonore… Je travaille depuis l’été 2018 sur un spectacle de danse. J’ai dû composer 1 heure de matériel que l’on va présenter en 2020. Sinon, le Chœur va prendre pas mal tout mon temps jusqu’à l’été. En incluant l’album, on a 3-4 projets en stand by alors on va être occupé! Sinon, je prépare une autre pièce complètement cinglée pour l’automne 2020 qui sera un projet pilote pour le Chœur de Growlers. À suivre !
Je profite de cette entrevue pour remercier les différents organismes qui ont contribué au projet, Le Conseil des arts du Canada, Le Conseil des arts de Montréal, Le Vivier et Codes d’Accès, merci infiniment !
« The Dayking » enregistré live à Montréal (QC), le 8 Mai 2019
Line-up Growlers Choir
Fortner Anderson (narration)
Samuel Arseneau-Roy (Basalte)
Laurent Bellemare (Basalte, Sutrah)
Roxana Bouchard (Your Last Wish)
David Caron-Proulx (Entheos)
Corinne Cardinal (Valfreya)
Sébastien Croteau (Necrotic Mutation)
Étienne Dufresne (ex-Deathbringer)
Jessica Dupré (Fall of Stasis)
Pascal Germain-Berardi (ex-Archetype)
Marie-Claude Gosselin (ex-Illicit)
Patrick Goyette (Hymnosis)
Marie-Hélène Landry (Obsolete Mankind)
Philippe Langelier (Bookakee)
Jeffrey Mac Dermott (Hands of Despair)
Yann Pouliot (Reign the Sky)
Étienne Roy-Bourque (ex-Nephilim)
Mikaïl Standjofski-Figols (ex-Sanguine Glacialis)
François Toutée (ex-Hybrid Chaos)
Guillaume
1 réflexion au sujet de “Growler Choir – Interview de Pierre-Luc Senécal”